Qui êtes-vous ?

Bruxelles, Belgium
La preuve est un projet qui associe théâtre-performance-sculpture. Avec ce projet, j'ai la volonté de tester et jouer avec le public à tester nos limites face aux imageries 'clichés' liés au: /meurtre-serial killer-school shooting/ tout en tentant de connecter ces thèmes à celui de l'amour : Et si un meurtre/carnage devenait une preuve d'amour ? "Il y a un vieux proverbe qui dit : « si dieu n’existe pas tout est possible ». Mais ce qui est certain, c’est que Tout n’est jamais permis, parce qu’il y a des lois de vraisemblance qui survivent au créateur. Cependant la deuxième partie du proverbe peut fonctionner, c’est-à-dire se faire réalité sur le mode hypothétique : « si tout est permis... » Ce nouveau proverbe n’a pas de seconde partie. En effet si tout est permis... eh bien quoi ? Un projet proposé par Mathias Varenne Mise en scène: Mathias Varenne Sculptures: Damien petitot Scénographie: Damien Petitot et Gaëtan Rusquet Interprètes/Performers: Damien Petitot, Gaëtan Rusquet, Mathias Varenne, Nathanaëlle Vandersmissen. Chargée de production: Manon Faure Un projet présenté par MOTHERSHIPasbl

lundi 16 avril 2012

                                                     Une nuit dans la foret.


Une nuit, lors de mes 14 ans, nous avons eu moi et mes quatre meilleurs amis, la permission d'aller faire du camping dans les bois. Nous étions chacun arrivé avec notre énorme sac à dos bourré par nos parents de vivres et de couvertures. Moi j'avais pris en plus au fond de mon sac, Virginie, la chatte de mon voisin en me disant que ça serait cool d' avoir une mascotte pour le club. Je l'avais enfermé dans un sac et après bien deux heures d'hystérie complète elle s'était enfin résignée à son sort, non sans avoir uriné à plusieurs reprises ce qui avait donné une odeur définitive aux couvertures et aux sandwichs «thon mayonnaise» de ma mère.
A peine on s'était installer près d'un gros chêne ou on avait décidé de passer la nuit, que j'ai sorti Virginie pour la présenter à mes potes. Le noeud du sac me résistait, alors Aïcha qui avait des ongles très longs avec des hello kitty souriants collés dessus, a pris le relais. Avec une dextérité fascinante et en moins de deux secondes elle a réussi à libérer le corps de Virginie et à le plaquer au sol, mais Virginie l'a immédiatement griffé à la main et Paul et Laura sont venus à la rescousse pour la tenir, pendant que moi et Martin avons défait nos lacets pour l'attacher par les pattes à deux troncs d'arbre proches de nous. Liée comme ça elle ressemblait plus à un lapin qu'à un chat, ce qui était vachement moins cool comme mascotte mais au fond ça n'avait pas vraiment d'importance. On s'est mis immédiatement en cercle autour de l'animal. Pendant un long moment personne n'osait respirer, tellement on était en extase face à ce corps hystérique, tressautant et hurlant devant nous. Paul a pris une branche morte près de lui et a commencé à appuyer sur le flanc de Virginie qui hurlait à la mort. On pouvait voir la résistance tenace de ses muscles. Paul a d'abord appuyé doucement, puis a essayé d'enfoncer de plus en plus fort le bâton dans le corps de Virginie. Virginie, épuisée, a fini par se calmer et la seule forme apparente de vie qui lui restait était ce halètement quasi silencieux. Chaque fois qu'il retirait le bâton, le flanc reprenait sa forme initiale. Aucune marque. Aucune trace. Alors, j'ai eu une idée. J'ai arraché le bâton des mains de Paul et j'ai commencé à le presser de nouveau contre le flanc de Virginie. D'abord à une main, puis a deux. On a commencé à entendre ses côtes se briser. Ce bruit éveillait chez nous la plus grande curiosité et Paul et Aïcha se sont joints à moi. On a fait pression sur son flanc de plus plus fort, jusqu'au moment ou notre bâton a transpercé en un centième de seconde et sans un bruit le flanc de virginie qui s'est mis à émettre un son strident comme jamais on n'en avait entendu. Nos cinq corps se sont alors suspendus dans l'espace temps. Chacun retenait son souffle et écoutait la longue plainte de Virginie. On a alors aperçu un léger filet de liquide rouge qui commençait à sortir entre la peau de Virginie et le bâton enfoncé dans sa chair. J'ai retiré le bâton d'un coup sec et le sang s'est mis à jaillir en une petite fontaine carmin en même temps que le cri de virginie s'est stoppé net. Nos cinq rires adolescents ont remplis toute la forêt. Et puis chacun notre tour, on a enfoncé le bâton dans le corps de Virginie. D'abord en prenant le temps comme la première fois, comme si on souhaitait vivre encore et encore cette expérience du moment ou l'on passait de l'extérieur à l’intérieur, et ensuite on a commencé à s'acharner dessus comme des fous. On étais des dieux destructeurs. Chacun à son tour on prenait le bâton et chacun à son tour on l’enfonçait aussi profondément qu'on pouvait en prenant son élan en hauteur et en hurlant. Nos fronts perlaient. La sueur se mélangeait au sang sur le sol recouvert de feuilles. Des morceaux de chair restaient collés le long de notre arme. Et on frappait, frappait, frappait en hurlant comme ça: (un long cri). Des morceaux de chair volaient. Le corps de Virginie avait complètement disparu, mais on continuait à s'acharner sur des morceaux de viande sanguinolents. Aïcha est tombé au sol et on s'est tous mis à partir dans un fou rire comme jamais on n'en avait eu dans notre vie. On a tous commencé à se rouler par terre en riant. Et puis Martin s'est relevé et a pris une grosse poignée de terre et de morceau de viande et en même temps que sa bouche riait ses yeux nous ont lancés un défi, un vrai cette fois, et devant nous il a enfoncé sa main remplie de boue et de Virginie dans sa bouche. Il nous a regardé encore un moment, et il a tout avalé en une seconde, sans même gémir. On était tous soufflés. Et alors chacun notre tour on s'est levé, on a pris une énorme poignée de terre et de Virginie, on regardait les autres de toute notre hauteur et on enfonçait le tout dans notre bouche, et on avalait. Quand tout le monde l'avait fait, ben on était calme, apaisé, en fait. Moi et Laura on a ramassé les restes de virginie, et on les a enterrés dans un petit trou qu'on a creusé sous un arbre. Pendant ce temps les autres ont monté une cabane et fait un feu. Après on a passé toute la nuit a chanter «killing an arab» et «boy's don't cry» et on s'est raconté des histoires d'horreur en riant, en buvant du coca et en mangeant des saucisses. Et puis au petit matin, comme Paul et Laura s’était endormis, moi Martin et Aïcha, on a décidé d'aller se promener dans la foret. On a marché super lentement, on était complètement ouverts aux bruits et aux odeurs de la forêt. Sur le chemin on ne disait pas un mot, et puis dans une seule respiration, Martin a lâché «Vous avez déjà aimé quelqu'un?». (Silence). Personne ne répondait. Il avait dit quelque chose qui était vachement important, et nous le savions tout les trois. Il venait vraiment de dire quelque chose de vachement important. Il s'était mis à nu devant nous. Il avait su dire les bons mots, poser la bonne question qui n'appelait aucune explication, juste un oui ou un non qui pourrait tout transformer, à tout jamais. Il nous faisait confiance, nous offrait son intimité, sa douleur, sa mélancolie. Mes yeux et ceux de Aïcha se sont croisés une seconde, pas plus. J'ai juste vu qu'elle me souriait. Alors je me suis arrêté, sans rien dire. Je regardais fixement le sol, mon corps était en tétanie volontaire, je me tenais au milieu de la forêt, le corps tendu, tête baissé, le monde était mien, je venais d'arrêter le temps. Les deux autres ont continué à avancer quelques mètres et puis se sont retournés pour voir ce qui se passait. Alors j'ai levé le visage vers eux, et j'ai plongé mes yeux larmoyants dans les leurs. Je leur ai, à mon tour, offert toute ma désillusion. Je leur offrais pour qu'il la transforme. Leurs visages étaient tout proche du mien, à quelques mètres, oui-oui-oui, mais tout proche du mien. Alors Martin a souri et Aïcha aussi et ils se sont approchés de moi et Martin a posé sa main sur mon épaule et Aïcha aussi et on s'est embrassé. Là, au milieu de la forêt, alors que le ciel commençait à peine à s'éclaircir, nos langues se sont mélangées timidement. Puis, Aïcha a enfoncé un peu plus profond sa langue dans nos bouches et Martin aussi et moi aussi et à un moment on a senti les restes de la petite odeur fétide de Virginie dans nos bouches et alors on s'est serrés aussi fort qu'on le pouvait et alors nos larmes et nos sourires et nos langues et la petite odeur fétide de Virginie, tout ça se mélangeait et créait un immense ciel bleu chaotique qui nous englobaient tout entier et on pouvait entendre le moindre battement d'aile des oiseaux, le moindre bruissement des fougères autour de nous, tout les loups de la forêt nous épiaient en silence et étaient jaloux de nous. Tout, absolument tout,autour de nous se transformait en de sublimes outils à notre disposition afin que nous créions notre propre monde. Nous sortions de ce monde d'explications. Nous découvrions un monde dans le monde. La vie, la mort tout ça n'était plus quantifiable ni qualifiable. Tout n'était qu'outil et tout n'était que possibilité de transformation. La brutalité du monde et des hommes se révélait à nous comme la réponse absolue, claire et nue. Nous aimions et étions aimés. Il existait un imprévu! L'amour! Il existait une soudaineté! L'amour! Il existait un instant ou le monde devenait réel! Un instant ou le monde subissait la plus radicale des transformations, ou le monde des explications s'effaçait pour nous laisser voir le monde réel. C'était le moment de l'amour! Cette transformation, c'est ce qui nous crevait les yeux! Nous avions détruit! Nous avions transformé. Nous nous étions laisser surprendre! C'est ce que nous offrait l'amour! Nous étions les plus grands enfoirés de tout les temps si on ne voyait pas ça. Ce qui nous séparait de notre destin était très mince. Nous n'avions qu'a dire oui. L'amour n'avait en fait qu'un détour. Un détour, et un seul. Ce détour, c'était l'action. Parce que l'amour n'a pas d'explications, mais il a des preuves. Il ne s'agit pas exactement d'un détour parce que l'amour n'existe que par ses preuves. Et puis elles ont beau être lentes et compliquées, elles sont immédiates, les preuves. Les preuves valent autant que l'amour, non qu'elles soient la même chose que l'amour, ni un équivalent de l'amour, mais parce qu'elles ouvrent une perspective sur une face réelle du monde: sur l'action ...

Mathias Varenne.





                     SLEEPING BEAUTY

mardi 3 avril 2012

Résidence 2 "Textualités" --> Un rêve.

 Alors qu'il y a une prise d'otage dans un magasin ou je fais mes courses, je décide de m'enfuir en courant, lorsque soudain j'entends le bruit d'une détonation puis une piqûre vive entre mes deux omoplates comme une mininiscule fée armée de ciseaux pointus qui se fraie un chemin dans ma chair. Je continue de courir jusqu'à ce que je m'écroule face contre le carrelage blanc du rayon boucherie. Je n'ai pas froid, mais j'ai peur, j'ai peur car j'ai de l'espoir, l'espoir de ne pas mourir et puis j'ai peur de vivre handicapé. Je me vide de mon sang lentement mon cerveau se met à réfléchir très très vite et puis je sens une main qui m'attrape l'épaule et qui me retourne dos au sol. Un homme armé et au visage couvert d'une cagoule noire me défie de toute sa hauteur et me regarde agoniser, ma respiration s'accélère alors que l'homme approche son visage du mien, mon cerveau se met a réfléchir de plus en plus vite-tissu glace métal bois-non mon corps ne sens plus rien-acier, feu cire-non mon corps ne sens plus rien-congélateur à droite, roue d'un caddie à gauche, des amis oui j'ai des amis, une famille aussi oui j'en ai une-qui va s'occuper de moi quand je serais en chaise roulante-pourquoi ai-je essayé de m'enfuir, merde putain merde pourquoi ai-je essayé de m'enfuir hein putain de moi , et mon corps? Non toujours rien mon corps ne sens rien et ses yeux s'approchent des miens il n'est plus qu'a quelques centimètres-est ce que la sécu s'occupe bien des gens handicapés?-Un vélo, une porte-ses yeux gris verts me regarde intensément et s'approchent de moi inexorablement-des groseilles mangée dans la main de nathalie l'été de mes 4 ans-il lève sa main lentement-tiens si je prend cette rue la j'arriverais sans doute plus vite-il ôte sa cagoule et me révèle son visage, mon visage, c'est moi je me regarde moi-même dans le blanc des yeux et puis il enfin je me souris et tourne la tête sur la droite et à coté de moi je remarque un corps couché au sol le visage ensanglanté, c'est aussi moi et je lance un regard panoramique autour de moi et je vois deux autres braqueurs eux aussi sont moi et encore deux corps de moi et un autre en train de brûler et d'hurler et c'est moi et un autre pendu a un croc de boucher qui perd son sang et tache goutte après goutte le sol du rayon boucherie et les deux autres braqueurs s'approchent eux aussi de moi et je me replonge dans mes propres yeux et je ferme les yeux et j'entends alors que je pousse mon dernier souffle: un chuchotement très léger qui me susurre «je t'aime» .

Mathias Varenne.